jeudi 11 juillet 2013

Regards croisés : le fat-shaming

Plumpeuses, plumpeurs,

La semaine dernière, nous explorions un concept américain, le fat-bashing. On reste cette semaine encore dans la facette pas marrante du monde des gens ronds, avec le fat-shaming.

Même si les deux concepts semblent se ressembler, le fat-shaming est bien plus violent dans le fait qu'il humilie publiquement, et généralement par des campagnes d'affichage ou devant un large public, les gens à tendance moelleuse. Sous couvert de donner de bons conseils et des leçons, l'interlocuteur incite en réalité fortement la victime à maigrir sous peine de ne pas vivre une vie "normale", d'avoir des problèmes de santé ou affectifs, ou encore "de peser sur le trou de la Sécu". (On appréciera le petit jeu de mots glissé dans l'expression) En effet, "shame" veut dire "honte" (je dis ça pour les quelques allemands LV1 de la foule, nous ne vous oublions pas).

A l'instar du fat-bashing, le fat-shaming a fait une apparition très remarquée dans l'actualité récemment. Que dire du PDG d'Abercormbie & Fitch, qui ne veut que des gens maigres dans ses magasins et qui refuse d'adapter ses vêtements à d'autres morphologies ? Je propose qu'on plaigne ce pauvre homme qui, apparemment, n'arrive pas à déceler la beauté là où elle se cache (c'est à dire : partout !). Et que dire du passage à tabac de Marion Bartoli dans les médias, après sa victoire à Wimbledon ? Que ce soit dans les journaux français ou anglais, sa carrure et ses formes ont été attaquées à tel point que Marion Bartoli finira par les justifier en ironisant : "Je suis probablement pas assez blonde, pas assez grande et pas assez mince."
Pas besoin de tout ça, Marion, tu les as tous renvoyés dans les filets en mettant cette robe !

Le fait qui a "réveillé" les Etats-Unis et déclenché de vives critiques à l'égard du fat-shaming vient d'un universitaire. On pensait qu'un érudit ne s'abaisserait pas à de telles paroles et pourtant...
Geoffrey Miller, un psychologue (humpf) évolutionniste (re-humpf) a twitté début juin un message peu équivoque :
"Chers doctorants obèses : si vous n'avez pas assez de volonté pour arrêter
de manger des glucides, vous n'aurez pas la volonté de faire des dissertations #vérité"

Depuis, il a supprimé ce tweet et publié un message d'excuses puis a passé son compte Twitter en mode privé. Mais le mal est fait et, quelque part, heureusement. Cela a permis de mettre en lumière ce phénomène de fat-shaming qui est malheureusement bien trop courant aux Etats-Unis (et ailleurs !), à en juger par le flot de messages à ce propos postés sur Tumblr.

Ailleurs, toujours aux Etats-Unis, c'est la campagne publicitaire du mouvement "Strong4Life" qui a provoqué un tollé. Strong4Life découle du Children’s Healthcare, basé à Atlanta et a pour but de juguler la montée de l'obésité infantile dans l'état de Géorgie.
Le phénomène vaut vraiment la peine qu'on s'y attaque par tous les moyens, mais la campagne de pub réalisée par Strong4Life est vraiment... moyenne.

Noir et blanc, visages fermés, et messages clairement insultants.
 
Elle met en scène des enfants, certes rebondis, mais avec des têtes d'enterrement, estampillés d'un message digne des pires emm... de la cour de récré : "Les enfants dodus peuvent ne pas survivre à leurs parents" ; "Les enfants gros deviennent des adultes gros" ; "Je ne suis pas comme ça à cause de mon ossature lourde, mais à cause de plats trop lourds" ; "Il a les yeux et le rire de son père et peut-être aussi son diabète".
Strong4Life est complètement à côté de la plaque. Cette structure qui veut "Combattre l'obésité, pas les obèses" fait peser tous les regards sur eux et semble rejeter la faute sur les parents qui auraient échoué dans la transmission de l'équilibre alimentaire.
 
En réponse à cette campagne, une activiste du nom de Marilyn Wann, a lancé sa campagne à elle, pour combattre la haine et la honte :
Nous prenons position afin de montrer aux gens de tous âges que
 la taille ne détermine pas la santé ou la beauté 


Enfin une campagne à afficher sans honte ! Car la mise en lumière du fat-shaming permet de lever le voile sur ce phénomène qui ne date pas d'hier. Rebecca Puhl, chercheuse l'université de Yale, assure que "la discrimination par le poids a augmenté de 66% en dix ans et cible surtout les femmes". Ce qui rend le phénomène quasiment commun, car il fait désormais partie du quotidien, par sa fréquence.

L'initiative de Marilyn Wann montre qu'au lieu d'avoir honte, mieux vaut être fier. Fier de ne pas être comme tout le monde. Le poids n'est pas une fatalité. La chanteuse Beth Ditto, la championne Marion Bartoli... Ces femmes se sont acceptées telles qu'elles sont et mènent des carrières prodigieuses.
Etre rond ne veut pas dire être malheureux, être malade (même si certaines maladies occasionnent en effet secondaire le surpoids) ou être laid.
Etre plumpy, c'est avoir la possibilité d'être différent dans un monde où tout le monde se ressemble.
Le fat-shaming rabaisse les gens dans l'optique de faire maigrir et d'uniformiser tout le monde, au final.

Résister au fat-shaming, c'est rester fort, rester soi : une personne avec du bonus !

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